Deuxième fils du Jarl Magnar, la destinée d'Eldar fut tracée bien avant sa venue au monde. Loin de dépendre de la volonté des Nornes, son avenir a été construit sur les appétences et les cupides ambitions de sa mère, véritable arriviste dissimulée sous un sourire ravageur. Celle-ci, seconde femme de Magnar, ne se retrouva point satisfaite d'avoir évincé la première en causant sa mort, car malgré son ascension au pouvoir et son titre de souveraine, Tora savait que le trône du Denmark reviendrait au fils aîné de son époux, engendré par sa défunte rivale. Désireuse d'assurer la succession royale pour son propre fils, Tora avait fini par nourrir une haine inconsidérable envers l'enfant appelé à gouverner. Sa répulsion était telle qu'elle songea, à de multiples reprises, à échauffer quelques plans barbares pour s'en débarrasser avant qu'il ne soit en âge de s'assoir sur le trône. De l'empoisonnement malheureux au garde grassement payé pour lui trancher la gorge d'une lame cruelle, tous les scénarios possibles et inimaginables traversèrent son esprit impitoyable. Mais si elle avait eu la naïveté de croire que personne ne veillait sur l'enfant d'Inga, Horik, un vieux Skalde qu'on disait aussi fou qu'inoffensif, lui fit part d'une promesse qu'il avait faite à son amie disparue et qui contraria fortement la reine : celle de toujours protéger l'enfant qu'elle avait tant désiré et de préserver sa vie, même au péril de la sienne. Ainsi couvé par Horik et ses hommes, Ingvar fut épargné des conspirations criminelles de sa belle-mère mais, celle-ci, incapable de renoncer au pouvoir qu'elle pouvait presque frôler du doigt, nourrissait bien d'autres abominables projets pour causer sa perte et ainsi assoir son propre fils sur le trône. Et tout naturellement, Eldar fut désigné comme étant le principal instrument de destruction pour la déchéance de son frère. Mais Eldar a toujours été proche de son frère, au grand désespoir de sa mère qui rêvait de les voir s'entretuer en espérant que l'aîné périsse sous la grandeur d'épée du second. Malgré l'endoctrinement malveillant et les incessants discours haineux visant à engourdir de jalousie l'esprit de son fils unique, Tora n'a jamais réussi à les monter l'un contre l'autre pour qu'une quelconque rivalité éclate. De leurs premiers jeux d'enfants jusqu'aux entrainements guerriers qu'ils avaient partagé, Eldar n'a jamais éprouvé le moindre ressenti fielleux envers son aîné, bien au contraire. Ignorant les manipulations affectives et ambitieuses de sa mère, qu'il décrit comme aliénée depuis bien longtemps, il s'est toujours illustré par sa loyauté sans faille envers son frère, même lorsque celui-ci se trouvait en mauvaise posture et qu'il aurait été préférable qu'il se désolidarise de ses choix. D'une nature fusionnelle, leur relation s'est construite sur une complicité et une affection qui n'ont point terni avec l'âge. Les deux enfants qui refusaient de se séparer un seul instant, même pour dormir, devinrent deux adultes éprouvant toujours le besoin viscéral d'attester de la présence de l'autre pour se sentir entiers. Ainsi, lorsque la mort acheva le règne de Magnar, les premiers tourments de sa veuve furent de convaincre leur fils d'abattre son aîné afin de s'emparer du pouvoir, idée qu'il rejeta avec grande véhémence. Comme chaque fois depuis son enfance, Eldar s'était de nouveau illustré par sa loyauté indéfectible envers son frère ainé, au grand désespoir de sa mère, qui fut contrainte d'opprimer sa rancoeur et sa rage face à celui qui était son nouveau roi, et qu'elle avait tant tenté d'éliminer au cours de son enfance.