


la dynastie
ASGEIR
Au commencement, il n'y avait rien. Rien de plus que les ténèbres du vide et le chaos originel ; tout n'était que trop vaste et trop étroit, trop éternel et trop éphémère. Le silence régnait et, paradoxalement, il assourdissait. Les royaumes tels que nous les connaissons aujourd'hui n'étaient alors que de la poussière dorée, des chimères, des utopies, des mondes rêvés. Certains luttaient pour atteindre la Lumière, ils se débattaient avec tant de force et de hargne qu'ils finirent par en effleurer les salvateurs contours, pendant que les Géants et les Dieux guerroyaient avec acharnement pour la suprématie de l'Arbre-Monde. Yggdrasil ; le gigantesque frêne toujours vert qui porte sur ses branches, les neuf mondes. Certains établirent d'éblouissants royaumes sur les plus hautes branches tandis que d'autres, enivrés par la noirceur et les ténèbres, s'enveloppèrent des tourments et des chagrins abandonnés aux vents. La Lumière céleste, divine et conquérante, toisa les Ténèbres relayés dans les racines d'Yggdrasil et creusa le gouffre Ginnungagap, qui sépara le monde du feu de celui du froid ; de l'Ombre naquit la Lumière, et de la Lumière, naquirent les Hommes.
Du haut de son trône d'or, Odin, le Père Céleste, écoutait les précieuses confidences de ses corbeaux ; véritables messagers de leur maître, Hugin et Munin parcourent le monde des hommes et relatent le récit de leurs observations à l'oreille du Dieu Père, lui contant les aventures des mortels qui ne cessent de scruter les cieux pour tenter d'apercevoir la volonté des Dieux. Mais un jour ; alors que son corbeau n'avait point achevé son récit, Odin fut alerté par un cri d'effroi qui résonna avec une force effroyable dans tout le palais. Bragi portait une terrible nouvelle dans son sillage ; son épouse, Idunn, gardienne de l'Immortalité et des pommes de jouvence, avait disparu. Les Dieux décidèrent alors d'explorer les neufs mondes pour retrouver l'objet de leur quête, et se rendirent même sur Midgard, terre des hommes, pour tenter de retrouver la déesse de l'éternelle jeunesse. Mais elle resta introuvable et les accusations se portèrent bien rapidement vers le Dieu de la fourberie, Loki. Condamné à tord, il fut attaché dans les entrailles d'un serpent qui crachait son venin sur son crâne, lui causant d'affligeantes douleurs. Mais, avant d'avoir été capturé par le dieu Thor, Loki protégea les enfants qu'il avait eu avec la géante Angrboda, jugés comme monstrueux et risquant de subir des persécutions en son absence. On prétend que le loup Fenrir trouva refuge dans le corps d'un mortel et que sa fureur fit de lui un berserkr. Jormungand, le Serpent-Monde, se cacha lui aussi dans le corps d'un homme, mais il est dit que ses yeux révéleront sa présence. Quant à Hel, déesse des morts, la légende raconte qu'elle prit la forme d'une humaine condamnée à arborer un visage déchiré par la cruauté de la mort.
En compagnie d'un humble mortel du nom d'Ottir Asgeirsson, ce fut le discret Vidar, fils d'Odin et de la géante Grid, qui trouva les pommes d'immortalité, dissimulées sous la souche d'un arbre qui murmurait. Dieu du Silence, Vidar ne pouvait parler ; alors, pour remercier Ottir de l'avoir aidé dans sa quête, il lui offrit la plus petite pomme de jouvence que contenait le panier perdu d'Idunn, pensant qu'elle lui serait favorable et qu'elle lui offrirait une longévité accrue. Mais si les années lui donnèrent l'or et le pouvoir d'une couronne, la folie qui guettait l'avarice n'était point loin. Ottir, obsédé par ses richesses, se terra avec ses trésors jalousement gardés et soupçonnait de vol chaque âme qu'il croisait. Pour rendre gloire au Dieu qui l'avait enrichi, il nomma chacun de ses enfants avec un prénom terminant par ar et transmis, par cette successivité qui devint tradition, une effroyable malédiction à sa lignée. Car la pomme d'Idunn, éloignée d'Asgard, devint une damnation d'avarice. La malédiction de Loki disait ceci : Chaque mâle né sous l'ombre du Dieu Vidar connaitra une vie prospère et glorieuse, il écumera les mers et pillera les terres, il découvrira des trésors qui valent bien plus que l'or mais souffrira, à la fin de sa vie, de ses nombreux tords. Une destinée de Rois belliqueux, avides et conquérants, qui finiront par tomber, ensanglantés, aux pieds de la Mort.
