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GRANDE DUCHÉ DE HESSE ET DU RHIN

Fille du Grand-Duc Louis IV de Hesse et de la Princesse Alice du Royaume-Uni, Alix naît le 6 juin 1872 à Darmstadt, en Allemagne. Elle est baptisée le 1er Juillet 1872 au sein de l’Église luthérienne, elle a alors  pour parrains le prince de Galles Edouard VII et l’empereur Alexandre III de Russie, et pour marraines, la princesse de Galles Alexandra du Danemark, ainsi que la princesse Béatrice du Royaume-Uni et la princesse Anne de Prusse. C’est une petite fille pleine de vie, intenable et débordante d’énergie, un vrai torrent de rires et de sourires qui ne cessent d’égayer son entourage, ses proches finissent même pas l’appeler Sunny grâce à son éternel sourire et sa gaieté constante. Partout dans le palais, son rire résonnait comme un éclat de joie qui ne trouvait pas de fin, faisant le bonheur de ses parents et de ses frères et soeurs qui l’adoraient et la choyaient comme un véritable trésor. Mais sa vie si paisible et insouciante subit un bouleversement alors qu’elle n’a que six ans. Sa mère et sa soeur cadette Marie sont emportées en l’espace de quelques jours à peine par la diphtérie. Pour la petite Sunny, c’est un choc terrible qui modifiera à jamais son rapport à l’autre. De la petite fille joyeuse et équilibrée, il ne reste qu’un monstre de tristesse égaré. Elle devient timide, agressive, constamment sur la défensive, d’une froideur et d’une indifférence totale pour ceux qui restent. Après le décès de sa mère, elle est élevée en Russie par sa grand-mère, la reine Viktoria, dont elle sera la petite fille préférée. Mais même l’amour et l'infinie patience de sa grand-mère ne réussissent pas à soigner ses plaies. Alix, qui n’est qu’une enfant, devient alors insomniaque et se montre de plus en plus belliqueuse, même avec ses soeurs. Enragée et croulant sous le poids d’un chagrin immense qui la noie petit à petit, l’enfant hargneuse devient une adulte insolente qui a délaissé ses robes de petite fille mais qui n’a pas su se défaire des démons de son enfance, qui continuent, encore aujourd’hui, d’assiéger son esprit délabré. Caractérielle, coléreuse, acerbe, méprisante, dissidente, irrévérencieuse et hostile, la jeune femme ne manifeste aucun effort pour apaiser ses relations conflictuelles avec son entourage, rejetant même l'affection pourtant indéfectible de sa grand-mère, qui désespère de voir son petit soleil, mourir.

« Passagère et précaire, affreusement temporaire,

coincée entre un avenir qui l'envahit et un passé qui la ronge,

toujours en train de s'évanouir et toujours en train de renaître » 

«  — Puis je te dire quelque chose que Tolstoï a écrit ? Il a écrit sur notre devoir les uns envers les autres en tant qu’être humain. Que chaque fois qu’on nous offre de l’amour, on doit l’accepter avec gratitude. Que chaque fois qu’on rencontre de la tendresse, on doit l’accueillir. Et que chaque fois qu’on voit une âme dans le besoin, il est de notre devoir d’aider à l'apaiser.

Alix referma son livre dans un geste sec et désinvolte, interrompant sa lecture distrayante et mon discours philanthrope qui contredisait son attitude belliqueuse avec acharnement, feignant une indifférence malmenée par la droiture de sa réaction si véhémente qu’elle m’indiquait déjà que mes paroles étaient stériles, un parasite ondulant à ses oreilles corrompues par ses souvenirs tortueux dont elle n’arrivait pas à se défaire, malgré tous mes efforts et toute mon affection.

— Quelle ironie, Ella.

Elle ne s’éternisa guère dans cette discussion vaine, et se leva pour quitter la pièce dans ce torrent de parfum doux et acidulé qui caractérisait bien sa peau diaphane. Elle n’était qu’un sac d’os de haine et d’antipathie abjecte, un curieux mélange d’incertitudes et de mépris, une mauvaise réaction chimique de son être l’avait conduite à devenir un monstre de mélancolie qui arpentait les murs de ce palais impérial comme un fantôme qui n’arriverait pas à quitter le monde des vivants. Pourtant, dans mon esprit, elle était toujours cette petite fille si audacieuse et folâtre que ma grand-mère l’avait fini par l’appeler Sunny. Lointain monde insouciant de notre enfance presque oubliée, où elle riait, chantait, aimait, vivait. Son attitude vis à vis du monde était dépourvue de confiance, de tendresse, et d’une certaine manière, hostile. Elle était à la fois proche et lointaine, comme si quelqu’un voulait lui voler quelque chose qui lui appartenait.

Elle s’appelait Viktoria, comme notre grand-mère, mais tout le monde l’appelait par son deuxième prénom : Alix. Mais aucun de ces deux noms ne ressemblaient à l’ombre que ma soeur était devenue. Il me semblait parfois, entrevoir une lueur d'espoir dans toute l'ombre qu'elle entretenait de son plein gré. Alors qu'elle restait si souvent isolée et réfractaire à l'idée de côtoyer un autre être humain capable de la juger ou en plein pouvoir de la blesser, elle se joignait à nous en de rares occasions. Les dimanches après-midi ensoleillés, lorsque nous nous promenions dans l'enclave du parc, elle nous faisait l'honneur de sa présence comme disait mon frère. Si nous faisions preuve de compassion et de patience envers Alix, ce n'était pas le cas de Louis. Je crois qu'avec le temps, il avait fini par haïr sa tristesse qu'il jugeait égoïste, nous avions tous soufferts de la disparition de notre mère, nous étions tous des enfants appauvris de repères, en manque d'une mère aimante qui ne reviendra jamais. Nous avions tous trouvé un moyen de s'en sortir, de trouver un moyen de sortir de cette mélancolie qui fracassait nos vies. Ne ne pouvions vivre éternellement dans les souvenirs et nous ne pouvions nous complaire dans notre souffrance. Alix, elle, n'a jamais été capable de se détacher de sa peine. Je crois, qu'elle était devenue prisonnière de sa propre vie. »

«  Voulant être toujours en deuil, elle se vêtissait de la nuit »

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